Dans le cadre de travaux de rénovation, la question se pose bien souvent de savoir s'il faut supprimer ou non des murs pour reconfigurer l'espace. Particulièrement dans les petites surfaces où les pièces exiguës ont chacune leur rôle bien défini, mais où la circulation n'est pas aisée, contrainte par portes et couloirs. Aujourd'hui notre oeil est plus habitué à voir les espaces ouverts que fermés, en cause le nombre grandissant de réalisations de pro qui mettent en lumière ce décloisonnement, mais aussi notre mode de vie qui évolue, prônant un partage des activités au sein d'un même espace. Alors folie passagère ou tendance durable, faut-il à tout prix décloisonner l'espace ? Si supprimer les cloisons offre certains avantages, la pratique a aussi son lot d'inconvénients. Réponse de deux architectes, Nicolas Sallavuard et Jérôme-Olivier Delb.
Vous avez acquis un studio mais souhaitez le transformer en deux-pièces pour installer une vraie chambre ? La configuration de votre appartement haussmannien ne vous convient pas, vous êtes pour réunir le séjour et la cuisine ? Votre idée est d'ériger la chambre au rang de suite parentale en l'ouvrant sur la salle de bains ? A priori, vous êtes plutôt partisan du décloisonnement ! La démarche semble aisée mais gare aux imprévus, murs porteurs et gaines techniques en tête. Ouvrir l'espace suppose de nombreux travaux d'harmonisation des pièces, qui représentent un certain coût. Sans compter que cela chamboule grandement l'agencement intérieur. Suivant votre projet, vos envies et la configuration de votre bien, décloisonner n'est pas forcément un acte automatique. Prenez conseil auprès d'un professionnel de l'aménagement intérieur, à même de vous proposer la solution la plus adaptée.
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Décloisonner l'espace, une pratique en lien avec l'évolution de nos modes de vie
Vous l'avez certainement noté, nous sommes aujourd'hui plus ouverts sur le monde, en cause les moyens de communication ultra-performants dont nous faisons usage à longueur de journée. L'échange d'informations facilité, les nouvelles technologies nous permettent aussi de travailler de chez nous plus aisément. Il n'est pas rare d'installer un bureau à la maison. Cette perméabilité peut être anxiogène pour certains, les limites entre vie privée et vie professionnelle étant floues. Et dans un monde en difficulté, l'envie est aussi de se retrouver chez soi, à l'abri du tumulte extérieur. La famille se rassemble au sein du foyer, elle y partage bon nombre de ses activités. Avec ces nouvelles pratiques, la cuisine n'est plus reléguée au fond de la maison ou de l'appartement, loin des pièces de réception, comme ce fût le cas pendant une époque où "il n'était pas rare de faire appel à des domestiques", rappelle l'architecte Nicolas Sallavuard. Elle migre progressivement au coeur de la maison, devient ce coeur. Quand elle n'est pas proche de la salle à manger, elle s'ouvre largement sur la pièce à vivre. On y cuisine, on y mange, on y travaille ; on partage. Et cela facilite grandement le quotidien des ménages pressés.
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Le milieu urbain développe aussi une nouvelle sensibilité à l'espace. Habitués aux rues étroites, aux perspectives réduites, les citadins en ont assez d'être "face au mur". Ils prônent chez eux, en conséquence, plus d'ouverture. Ainsi par exemple, sans y être pleinement rattachée, l'entrée doit laisser entrevoir les pièces à vivre ; et la chambre semble plus complète lorsqu'elle prolonge ses mètres carrés en dressing et salle de bains. Pour toutes ces raisons, faire fi des cloisons est presque devenu un incontournable de l'architecture intérieure moderne. Mais est-ce toujours pertinent d'y avoir recours ?
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Supprimer les cloisons présente son lot d'avantages et d'inconvénients
Ouvrir l'espace c'est s'assurer de gagner en volume mais aussi en lumière. Une pièce, jusqu'ici en second jour, profite d'un apport lumineux intéressant en provenance des fenêtres du séjour, par exemple, une fois la cloison les séparant déposée. Mais comme le rappelle l'architecte de l'agence Studio d'Archi, l'absence de cloison peut devenir un inconvénient, "en particulier dans la mezzanine, où ce décloisonnement devient un problème pour isoler la pièce, aussi bien du bruit que de la lumière".
Jérôme-Olivier Delb de l'agence JOD Architecture, précise que cette problématique touche particulièrement les biens situés à Paris et en région parisienne où "les volumes n'étant pas très grands, la volonté de profiter d'un espace de vie plus ouvert est forte". Si, a priori, d'un point de vue technique, la dépose des murs est tout à fait faisable, l'architecte met en garde quant à la réalité. "Dans les appartements haussmanniens, par exemple, de simples cloisons peuvent devenir porteuses avec le temps ; ou encore dans les appartements datant des années 70, les murs en béton rendent difficile l'ouverture de l'espace." Faire appel à un architecte ou à un ingénieur structure est donc un prérequis pour mener à bien le projet.
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Le meilleur exemple d'ouverture de l'espace reste encore celui qui concerne le séjour. Les cloisons tombent pour mieux faire cohabiter le salon, la salle à manger et même la cuisine. Ce parti pris a pour objectif de récupérer le volume d'une cuisine ou d'une salle à manger existante pour en faire une chambre, de quoi transformer un deux-pièces en trois-pièces, et plus. Et même si l'on pratique plusieurs activités dans un même espace - détente, cuisine, travail -, "les pièces gardent malgré tout leur usage", confirme Nicolas Sallavuard. Ceci est dû au fait que, malgré l'absence de cloison, les limites des pièces qui cohabitent au sein d'un même espace sont marquées par différents éléments structurants. Claustra, verrière, revêtement de sol, plan bar, etc. sont autant de moyens de délimiter les espaces. En particulier entre la cuisine et la pièce de vie où le risque d'être envahi par les odeurs ou le désordre lié aux préparations culinaires peut en rebuter plus d'un.
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La tentation est grande de décloisonner à tout va. Même si pour l'architecte Jérôme-Olivier Delb, il n'y a pas vraiment de règle, la décision étant conditionnée par plusieurs facteurs (configuration de l'espace, attentes personnelles et usages), Nicolas Sallavuard nuance ce propos en notant que certaines pièces ne s'y prêtent pas. Ainsi la chambre "doit rester fermée dans la mesure du possible ; une grande chambre ou un coin nuit ouvert n'étant pas agréable à vivre". Exception faite dans la configuration d'un studio, où le salon et la chambre peuvent s'ouvrir pour bénéficier d'un plus grand espace de vie.
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Dans l'entrée, supprimer les cloisons est un acte moins évident. Plutôt que d'ouvrir cette pièce, souvent petite et cloisonnée, sur le séjour au même titre que la cuisine, la réalité veut qu'elle constitue une transition entre l'intérieur et l'extérieur. Dans l'idée, il est donc souhaitable de "cloisonner légèrement cet espace [...] à l'aide d'un meuble de rangement, d'une chicane, par exemple", précise l'architecte de l'agence Studio d'Archi. Ce sas, même s'il est simple dans sa conception, n'interrompt pas pour autant la circulation dans l'espace. En somme, il s'agit d'un cloisonnement mesuré.
Nos deux architectes s'accordent à dire que le coût de la suppression de cloisons - suivant leur nature et leur nombre - peut représenter un frein pour certains. Il faut dans la plupart des cas "envisager une reprise des sols, de plâtre, ou encore modifier l'électricité", autant de travaux qui gonflent la facture, qu'il convient d'anticiper.
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Un espace ouvert impacte un aménagement intérieur bien pensé
Motivé par une reconfiguration plus intelligente de l'espace, il faut tenir compte de l'impact de la suppression des cloisons sur l'aménagement intérieur. Établie en temps normal entre au moins quatre murs, la pièce, délestée d'une ou plusieurs parois, se retrouve à nu. "Dans ce volume ouvert, l'implantation du mobilier peut être compliquée", souligne l'architecte de l'agence JOD Architecture. Le mobilier doit s'agencer différemment, et l'on se retrouve finalement à "devoir repartitionner le volume en délimitant l'espace de plusieurs façons", précise Nicolas Sallavuard. Dans le séjour par exemple, un dos de canapé fait office de séparateur entre le salon et la salle à manger ; attention toutefois à bien choisir le canapé en question, tous les dos de canapé n'étant pas forcément esthétiques.
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Même principe entre le séjour et la cuisine ouverte où l'îlot central joue son rôle - mais pas que - dans la délimitation de l'espace. Pour le pro de l'agence Studio d'Archi, "l'idée est d'arriver à identifier les volumes au sein du même espace". Donner corps à la cuisine, la structurer dans le nouvel espace ouvert, peut passer par la création d'un faux-plafond par exemple. Ou encore recréer un volume central à l'aide d'une boîte forte. Souligner l'absence de cloison est également un parti pris dans l'aménagement et la décoration : concevoir une démarcation au niveau des revêtements de sols - en particulier dans les pièces dites techniques (cuisine et salle de bains) -, et même peindre dans une teinte soutenue certaines structures, témoins de l'existant.
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S'il faut parfois ouvrir pour mieux refermer l'espace, la nuance réside dans l'acte de refermer : s'agit-il de recréer des cloisons plus légères voire transparentes (verrière, claustra), de délimiter l'espace par des aménagements bien pensés (plan bar, îlot central, boîte sur mesure) ; ou au contraire de décloisonner tout en soulignant les ouvertures (peinture, papier peint)... En toute connaissance de cause, la réponse se fait en fonction des besoins et habitudes de vie de chacun, et de la configuration des pièces du projet. Un accompagnement par un professionnel est recommandé pour étudier la faisabilité et définir les solutions d'agencement.
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1 commentaire
J'adore la décoration sur les photos ! C'est super inspirant merci
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