[Podcast] Vous souhaitez favoriser la biodiversité dans votre jardin ou votre potager ? Penchez-vous sur le petit monde des insectes utiles ! Ces auxiliaires vous assistent dans votre travail de jardinier, afin d'éviter la présence de ravageurs qui détruisent les cultures. Mais comment accueillir ces arthropodes et pollinisateurs en leur faisant une place au jardin ? Cette entrevue sur écoute est réalisée dans le cadre du Podcast Écoutez la tendance ! à retrouver chaque mois sur Côté Maison. Pour cet épisode, Jérôme Jullien, ingénieur en agroenvironnement, expert phytosanitaire et auteur de l'ouvrage "État des lieux et solutions, Adapter son jardin au changement climatique", nous livre ses meilleures astuces pour accueillir les insectes utiles au jardin.
Faire fructifier son potager, protéger ses plantes des attaques de prédateurs ou encore assurer la pollinisation des fleurs... Les insectes utiles jouent plusieurs rôles au jardin. Acteurs essentiels de la biodiversité, ils assurent les régulations de populations des ravageurs. En bas de la chaîne alimentaire, ils sont au coeur de l'équilibre du jardin. L'impact du réchauffement climatique sur leur environnement les met en danger et pousse à une préservation des insectes utiles au jardin. Découvrez qui sont les arthropodes auxiliaires, comment leur faire une place au jardin ou encore quelle est l'utilité d'un hôtel à insectes, à travers les conseils de Jérôme Jullien. L'expert national en surveillance biologique du territoire connaît bien ce monde miniature et travaille notamment avec l'ONPV (Organisation Nationale de la Protection des Végétaux), afin de préserver les insectes utiles dans nos extérieurs. Il aborde ces sujets dans ses livres, notamment à travers le guide "État des lieux et solutions, Adapter son jardin au changement climatique", publié aux éditions Eyrolles.
Pourquoi accueillir les insectes au jardin ?
Les insectes utiles sont naturellement présents dans le jardin. Ils se nourrissent d'autres insectes et acariens qui peuvent se trouver sur vos plantes ou sur les fruits et légumes du potager. Ces organismes font partie de l'écosystème de nos extérieurs, au même titre que les oiseaux, les rongeurs ou encore les hérissons. Mais il arrive parfois qu'un déséquilibre survienne entre proies et prédateurs. C'est à ce moment-là qu'il est intéressant de se tourner vers le petit monde des insectes afin d'éviter de gâcher vos efforts de jardinier.
Qui sont les insectes qui peuplent le jardin ?
Avant toute chose, il est important de rappeler ce que sont les insectes. Aux yeux du grand public, ce terme regroupe en effet de nombreux organismes qui ne rentrent pas tous dans cette catégorie. "Les insectes ont trois paires de pattes, contre les arachnides dont font partie les acariens", explique ainsi Jérôme Jullien. Également appelés arthropodes, les auxiliaires de jardin peuvent prendre différentes formes, de la coccinelle à l'abeille. Ils n'ont pas tous le même rôle : les pollinisateurs assurent par exemple la fécondation et la fructification des plantes en transportant le pollen, mais ne consomment pas de ravageurs. Notre invité souligne également l'utilité des parasitoïdes "qui pondent dans le corps d'autres insectes pour assurer le développement de leurs larves".
Tous ne sont en revanche pas bénéfiques à la bonne santé des plantes. Jérôme Jullien explique ainsi qu'il existe les auxiliaires et les ravageurs. Ces derniers sont des organismes nocifs pour les plantes. Phytophages, ils mangent les végétaux ou pompent leur sève, ce qui les détruit. Il s'agit par exemple des pucerons, qui ont pour ennemi naturel les coccinelles. Il existe aussi des insectes indifférents au bien-être des végétaux. Ils ne sont ni ravageurs ni auxiliaires, mais jouent un rôle important, comme pour la dégradation des matériaux qui participe à la formation de l'humus - assurée par les micro-organismes. Dans la nature, cette notion d'insectes utiles et inutiles n'existe donc pas, les ravageurs sont nécessaires pour que leurs prédateurs puissent se nourrir. Si un maillon vient à manquer à cette chaîne alimentaire, cela impacte l'ensemble de la faune. "C'est un écosystème très complexe", ajoute Jérôme Jullien.
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L'utilité des arthropodes auxiliaires au jardin
En tant qu'assistant du jardinier, les insectes utiles ont donc pour principale mission de manger les ravageurs. Jérôme Jullien explique ainsi qu'"une larve de coccinelle peut consommer de 100 à 2 000 proies pour assurer sa croissance, et une coccinelle adulte consomme 50 à 70 proies par jour, soit à peu près 9 000 dans sa vie". Cette espèce se nourrit entre autres de pucerons et d'acariens (qui ne sont pas tous nocifs). "Du côté des pucerons, le parasite le plus présent est une petite guêpe "hyménoptère" qui peut pondre 140 à 350 oeufs au cours de son développement", ajoute notre invité. Ces oeufs sont introduits sous la peau des pucerons et se servent d'eux comme source de nourriture afin d'éclore.
Il faut donc comprendre les dynamiques de chaque groupe d'insectes et leur chaîne alimentaire pour créer un équilibre dans son jardin. Sur le long terme, cela permet de limiter l'utilisation de pesticides pour réguler les populations. "Mais il est intéressant d'utiliser des produits chimiques en cas d'attaque importante à laquelle les insectes ne peuvent pas répondre", nuance Jérôme Jullien. Cela est par exemple utile en cas d'attaque de la pomme de terre par des doryphores qui détruisent une récolte. Les auxiliaires de jardin ne sont pas toujours assez nombreux pour les éliminer, étant donné la rapidité de reproduction de ce ravageur. L'ingénieur en agroenvironnement précise que ces produits sont naturels, les produits chimiques de synthèse n'étant plus autorisés depuis 2019. Néanmoins, ces insecticides polyvalents détruisent à la fois les nuisibles et les insectes utiles, il faut donc les utiliser avec parcimonie.
Comment faire une place aux insectes dans son jardin ?
Une fois que vous avez identifié les insectes auxiliaires dont vous avez besoin au jardin, il convient de comprendre comment les y attirer. Les arthropodes utiles sont naturellement attirés par la présence de ravageurs dans votre extérieur. Mais les insectes ne pouvant pas tous se déplacer sur de grandes distances, il est parfois nécessaire de les introduire dans ce milieu, à la suite de l'arrivée de nouveaux nuisibles par exemple. Jérôme Jullien préconise ainsi des lâchers réalisés par des professionnels.
Une flore adaptée aux insectes utiles
Afin d'attirer les insectes dans son extérieur, "la première mesure et la plus importante est de diversifier les végétaux dans son jardin", explique Jérôme Jullien. Ce sont les plantes qui servent d'abris aux auxiliaires, mais également de ressources pour ceux qui sont floricoles (qui consomment du pollen par exemple) à l'âge adulte. "Il faut éviter de tondre trop bas, ou d'anéantir la flore spontanée. Il ne faut pas de plantes envahissantes, mais quelques fleurs car ce sont des organes importants pour le développement des auxiliaires." Notre invité suggère de s'inspirer ce que l'on trouve dans la nature, en alternant les hauteurs de plantes, les arbustes, les arbres fruitiers ou les légumes. "On peut voir des différences entre campagne et ville, car les milieux sont différents en termes d'hygrométrie et de temps. En ville, les arbustes sont plus taillés alors qu'en campagne plus libres, et il y a plus de floraison. En ville, il y a très peu de litière organique - du compost [ndlr] -, qui est importante pour les petits coléoptères efficaces contre les limaces", explique l'ingénieur en agroenvironnement.
Il est donc intéressant de mélanger les variétés dans le jardin, comme en installant des fleurs au bord d'un potager. Cela est particulièrement important pour les végétaux cultivés hors sols, comme sur un balcon ou une terrasse. Ils sont plus dépendants de l'action du jardinier, car plus fragiles. Les auxiliaires permettent d'éviter la propagation de ravageurs. Jérôme Jullien recommande ainsi la présence de Lamiacées, une famille qui regroupe des plantes comme le thym, le romarin ou encore la sauge. Elles attirent les insectes tout en produisant des herbes aromatiques utiles en cuisine. Du côté des plantes d'ornement, il suggère les cosmos (plante annuelle de bordure, massif ou rocaille), la bourrache (qui a l'avantage de sentir le concombre, une odeur fraîche) ou encore les phacélies et leur jolie couleur violette. Notre invité précise que l'idéal est "d'assurer des floraisons successives toute l'année en diversifiant les plantes", afin que les insectes ne souffrent pas de l'hiver par exemple.
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Au-delà des plantes, le sol est également important pour les insectes, notamment le paillage végétal et l'humus. Jérôme Jullien conseille ainsi d'éviter de travailler le sol trop en profondeur. Il rappelle également l'importance du compost pour la formation de cette couche de protection. Il fournit notamment des ressources en nourriture pour les insectes et micro-organismes. "Ce sont des habitats et des ressources utiles aussi bien aux insectes qu'aux autres auxiliaires, comme les oiseaux ou les hérissons qui mangent aussi les ravageurs", conclut notre invité.
>> Le podcast est à retrouver ici >> Accueillir les insectes utiles au jardin : comment leur faire une place ?
L'hôtel à insectes : un aménagement indispensable ?
Les hôtels à insectes gagnent en popularité depuis plusieurs années, avec la mise en lumière de ce petit monde et de l'importance de sa préservation pour la biodiversité. Ils permettent aux auxiliaires de trouver un refuge en cas d'absence de végétaux adaptés. Ils accueillent ainsi plusieurs espèces en même temps. Jérôme Jullien précise qu'il est possible de les acheter en magasin spécialisé, mais aussi de les réaliser soi-même avec "des bûches perforées et des tiges tubulaires, comme les bambous pour accueillir les abeilles solitaires." Il conseille également d'ajouter de la paille, afin de contrer le froid.
Les points d'eau sont également utiles pour les insectes au jardin. Comme nous, ces organismes ont besoin de boire ! Ils peuvent se procurer cette ressource grâce à la rosée, un bassin ou une marre. Cela est aussi utile aux autres assistants du jardin, comme les oiseaux ou les hérissons. "Un point d'eau va augmenter la diversité entomologique et favoriser un certain nombre d'auxiliaires", assure Jérôme Jullien. Pensez à ajouter des plantes d'eau, comme des roseaux ou des nénuphars, qui font office d'abris pour certains insectes.
Assurer l'équilibre au jardin
Comme expliqué, les insectes sont utiles afin de réguler les niveaux de population des ravageurs. Mais que se passe-t-il si ces derniers viennent à disparaître du jardin ? Les arthropodes utiles vont s'éloigner de votre jardin et trouver de la nourriture autre part. Pour Jérôme Jullien, cette situation est peu probable en extérieur, mais il est possible qu'elle survienne dans les cultures sous bâches. Il conseille alors de nourrir les insectes avec des larves de papillon, à disposer sur les feuilles de plantes. Notre invité rappelle également que tous les insectes n'ont pas le même régime : "les coccinelles sont carnassières au stade larvaire et adulte, alors que le syrphe (communément appelé mouche[ndlr]) est floricole au stade adulte et carnassier au stade larvaire", explique-t-il. C'est notamment pour cela qu'il faut préserver les fleurs. Sans adultes pour survivre, la prochaine génération ne verra pas le jour.
Les insectes, des acteurs incontournables du jardin écoresponsable
Les insectes utiles sont intimement liés au jardin écoresponsable, permettant même de remplacer les insecticides afin de réguler les populations de ravageurs. Comme le reste de la chaîne alimentaire, ils subissent les conséquences du réchauffement climatique. Le plus grand risque est la destruction des pontes avec des températures plus élevées. Jérôme Jullien ajoute que les populations de ravageurs souffrent aussi de ce nouveau climat - rappelons-nous l'épisode de la chenille processionnaire du pin durant la canicule de 2003. Néanmoins, si les ravageurs viennent à disparaître, cela impacte la vie des insectes utiles, mais également du reste de la faune, puisque les oiseaux et petits mammifères se nourrissent de ces insectes. En bref, ils sont à la base de cette chaîne alimentaire complexe qui préserve la biodiversité de nos jardins. "Les auxiliaires bénéfiques permettent d'éclairer le grand public et les pouvoirs publics sur l'utilité de la diversité", conclut Jérôme Jullien.
Notre invité explique également que les hausses de températures favorisent la présence de ravageurs dans des régions qui ne sont pas les leurs. Afin de retrouver un climat "normal", ils remontent vers des régions plus sèches. Il est ainsi possible d'observer des migrations de populations originaires du bassin Méditerranée, vers le Val de Loire par exemple. Parfois, ce sont même des espèces étrangères à l'Europe qui viennent s'installer sous nos latitudes, comme la drosophile asiatique, une mouche ravageuse. Le problème est que les insectes auxiliaires ne suivent pas toujours le mouvement ! Cela crée un déséquilibre dans la biosphère. Jérôme Jullien explique qu'afin de parer ce problème, les jardiniers peuvent utiliser des filets, des insecticides ou encore des lâchers d'auxiliaires.
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>> Plus d'informations : "État des lieux et solutions, Adapter son jardin au changement climatique", un livre de Jérôme Jullien, 232 pages, publié en mai 2021 aux éditions Eyrolles, 28 euros
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