De ses négatifs couleur, inspirés par les montagnes alpines, la plasticienne Iris Hutegger imprime des tirages en noir et blanc. Puis, avec sa machine à coudre, elle brode de fils colorés ces paysages dénudés. Sa page blanche. Une fiction poétique qui, face au flot d'images actuel, nous émeut et nous interroge.
Cela peut être dans les Alpes de son Autriche natale ou bien en Suisse, où elle vit et travaille depuis 1990, peu importe. Ce que cherche l'artiste diplômée de l'Ecole d'art et de design de Bâle, exposée en Europe et aux Etats-Unis, qui se dit "sculpteur avant tout", c'est à rapporter de ses randonnées des paysages de hors-saison, vides d'humains et d'animaux. Une fois photographiés en mode analogique sur pellicule couleur, elle les agrandira et les imprimera en noir et blanc afin d'obtenir une sorte de support lunaire de végétation et de roche mêlées, au grain affirmé.
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En partant d'un document quasi topographique, pour ainsi dire gommé par la décoloration, Iris Hutegger aura ainsi finalisé sa toile, désormais prête à accueillir l'étape suivante. Sur sa machine à coudre Bernina, un modèle de tradition suisse équipé d'aiguilles appropriées, ses fils colorés vont alors venir, lentement, délicatement, broder une nouvelle géologie, plus intime. Le temps ralenti d'une éclosion dégagée du réel, comme insufflée par la palette d'un peintre, les fils s'immiscent, glissent, raniment, surprennent : est-ce de l'herbe, de la lave, des cailloux, des fleurs ? C'est un paysage recréé, un rêve insaisissable.
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"Une réelle image de fiction ! Je joue avec la perception et l'illusion en manipulant l'image par la couture", décrit la plasticienne. Il faut en effet s'approcher pour comprendre qu'on ne voit pas là un dessin à peine coloré ici et là, mais bel et bien une photographie argentique brodée de fils véritables. Une oeuvre à la technique singulière, entre réalité visuelle et déambulation onirique, guidée par l'aiguille à la manière d'un pinceau de coton venu réveiller l'image et lui redonner vie. Le regard empreint de poésie d'Iris Hutegger auréole ainsi les montagnes froides et dures d'émotions subtiles.
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"Je suis fascinée par le sujet de la perception, les questions de la réalité et de l'illusion, de localisation et de délocalisation", dit encore celle dont on a pu admirer l'oeuvre figurative et conceptuelle durant le salon Paris Photo grâce à la galerie Esther Woerdehoff, qui la représente à Paris ainsi qu'à Genève.
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Plus d'info : Trois oeuvres présentées par la galerie Esther Woerdehoff (présente à Paris et à Genève), à l'occasion de Paris Photo 2022. Des photographies épurées brodées d'illusion poétique. irishutegger.ch
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