La designer niçoise Stéphanie Marin revient sur son parcours et la création de Smarin. Cette mère de quatre enfants prend régulièrement le pouls de la capitale, où Maison Française Magazine l'a rencontrée.
Interview de la designer Stéphanie Marin signée Maison Française Magazine.
Le design était-il une vocation ?
Stéphanie Marin : Pas du tout. Au lycée, je voulais devenir prof de maths, car j'étais très bonne dans cette discipline. Le design est venu plus tard, après d'autres expériences.
Lesquelles ?
Stéphanie Marin : En 1990, alors que j'avais 17 ans et que j'étais en terminale, j'ai créé une entreprise de vêtements recyclés. J'avais le goût des tissus, car il y a eu des couturières dans ma famille et, enfant, je jouais avec du fil et des aiguilles. J'ai poursuivi dans le même temps mes études jusqu'à décrocher une licence en art, communication et langage.
Quel a été le déclic qui vous a fait passer du vêtement au mobilier ?
Stéphanie Marin : Un jour, une amie m'a suggéré de créer un objet. J'ai relevé le défi en partant du principe que mon objet serait en tissu, mais aussi à géométrie variable, intemporel et inspiré par des couleurs naturelles. C'est ainsi qu'est né, en 2003, le coussin "Livingstones" en forme de galet, clin d'oeil aux galets de la plage de Nice, la ville où j'ai grandi, où j'habite, où je travaille. Face à son succès, le coussin s'est ensuite transformé en assise et la société Smarin a vu le jour.
En quoi cela a-t-il changé votre vie ?
Stéphanie Marin : Mon travail dans la mode, qui s'exportait à travers le monde, trouvait soudain un écho dans le mobilier. En outre, le fait d'imaginer des coussins et des assises à la fois modulables, contemporains, pratiques et propices au repos, répondait à une attente du moment. C'était dans l'air du temps. Résultat : les "galets" ont été ma porte d'entrée dans le monde du design. En une dizaine d'années, quelque 100 000 "galets" se sont vendus de Paris à Tokyo, en passant par Londres ou New York.
Dessinez-vous beaucoup ?
Stéphanie Marin : Non, peu. En revanche, je concrétise mes idées en réalisant des formes en terre, car j'ai une notion assez juste de la géométrie dans l'espace. J'appréhende chaque projet comme une équation mathématique, comme un jeu de polyvalences et de logique. Et cela pour une pièce de mobilier comme pour l'intérieur du voilier JP54 de Jean-Pierre Dick.
Quelles sont vos sources d'inspiration ?
Stéphanie Marin : L'idée d'un objet me vient de l'analyse d'une fonction, avec une part de rêve intégrée à la réflexion. L'univers étant fort bien décrit par des lois mathématiques et physiques, les objets Smarin sont conçus pour un monde à la fois euclidien, quantique et biologique. Ils doivent trouver leur place sur une terre ronde, dotée d'une attraction terrestre, d'énergie et de soleil.
Comment définissez-vous l'identité Smarin ?
Stéphanie Marin : C'est une maison de création et un éditeur français d'objets à vivre, dont la production est intégrée. Nous privilégions les belles matières, les produits durables, de qualité, hors mode. Savoir bien produire est notre mission première et j'aime penser que nos objets suscitent de l'interaction, qu'ils ne s'éteignent pas en arrivant dans un lieu, mais au contraire qu'ils commencent à exister.
Pour "bien produire", il faut aussi une organisation du travail qui stimule une équipe...
Stéphanie Marin : Après deux ou trois coups durs, on prend conscience de l'importance du capital humain : c'est le moteur de l'entreprise. Aujourd'hui, Smarin compte une quinzaine de salariés, et l'ouvrière est aussi importante que le commercial. Après vingt-cinq ans d'expériences et la gérance de deux sociétés, j'ai appris à aimer cette partie de mon métier qui consiste à aider chaque collaborateur à créer sa dimension de travail à travers des compétences anciennes ou acquises chez Smarin. Nous avons un métier intense, avec des expériences intenses, c'est un bonheur de pouvoir partager cela. Ainsi, chaque jour, nous déjeunons tous ensemble dans la cuisine de l'atelier. L'idée est d'échanger, de prendre du recul, pour mieux se serrer les coudes en cas de problème, dédramatiser une situation de stress et trouver une solution.Vous avez choisi de rester à Nice, la ville où vous avez grandi.
Pour quelles raisons ?
Stéphanie Marin : Pour le soleil, la mer, la facilité des déplacements à vélo. Et puis, Nice a un aéroport international : je me sens aussi proche de Milan ou Londres qu'un Parisien.
Et Paris, qu'en pensez-vous ?
Stéphanie Marin : J'y viens régulièrement. Paris est une ville où je fais tout à pied. Car, quand je marche, il se passe beaucoup de choses autour de moi et surtout dans ma tête.
Quelle est votre actualité en ce début d'année ?
Stéphanie Marin : Dans le cadre de "Play With Design" au Parc floral de Paris, je viens d'exposer "L'Emmitoufloir" : un grand fauteuil en osier dans lequel on se sent comme dans une cabane. Parallèlement, je présente la collection "Les Angles" : ce pavage de coussins qui s'assemblent, se rassemblent, se posent, se superposent, permet de créer des fauteuils qui épousent les positions dans lesquelles on souhaite se trouver, se retrouver, au fil de la journée. Enfin, depuis près de deux ans, nous sommes aussi une maison d'édition : après Sebastian Bergne et Marco Ferreri, le plasticien Céleste Boursier-Mougenot, qui représentera la France à la Biennale de Venise 2015, va dessiner un objet pour Smarin.
Quel est votre objet préféré ?
Stéphanie Marin : Si je devais m'échapper là, tout de suite, au bout du monde, je ne partirais pas sans une casserole. Sinon, comment faire chauffer l'eau pour mon thé ?
smarin.net
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