Formé à l'école Boulle, il a passé une douzaine d'années à Milan, aux côtés du designer et architecte Michele De Lucchi. Aujourd'hui, Philippe Nigro fait partie des talents qui comptent dans le design international. Une reconnaissance, jusque dans les musées, qu'il doit à son sens de la curiosité et à son ouverture d'esprit.
Niçois d'origine, il a un bureau à Paris et un autre à Milan. Discret, singulier et hors des sentiers battus, Philippe Nigro collabore aussi bien avec Ligne Roset et Cinna qu'avec Hermès ou Baccarat. À quarante ans, le designer vient de terminer une drôle de salle de bains qui se décline en cinq tailles, du XS au XL : comme un tee-shirt ! Et si les projets ne manquent pas dans son agenda, il rêve d'être sollicité pour imaginer un hôtel ou un restaurant.
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Par quelle porte le design est-il entré dans votre vie ?
Philippe Nigro : Le déclic a été le cours d'arts plastiques que j'ai suivi au collège, à Nice, à raison d'une heure par semaine. Le prof était passionnant. Voyant mon intérêt pour cette matière, c'est lui qui m'a orienté vers un bac F12 - aujourd'hui bac STD2A - ciblé sur les arts appliqués. Je dois beaucoup à ce professeur. D'ailleurs, je le vois encore : quand je suis à Nice, je vais déjeuner chez lui.
Après le lycée, où avez-vous poursuivi vos études ?
Philippe Nigro : J'ai passé un BTS de design industriel à La Martinière, à Lyon. Puis j'ai intégré l'école Boulle, à Paris, où j'ai eu la chance d'avoir notamment François Azambourg comme professeur de design.
Une fois diplômé, comment débute-t-on une carrière de designer ?
Philippe Nigro : Je n'étais jamais parti à l'étranger, j'ai eu envie de tenter une expérience ailleurs. J'ai donc postulé pour un stage à Milan, dans l'agence de Michele De Lucchi, où j'ai été pris. Je pensais n'y rester que trois mois, voire six, maximum. Finalement, j'ai intégré l'agence et j'y suis resté une douzaine d'années, de la fin des années 1990 jusqu'en 2012.
Quand avez-vous créé votre propre studio ?
Philippe Nigro : Je l'ai créé en parallèle à mon travail aux côtés de Michele De Lucchi. Très ouvert d'esprit, il permet à ses collaborateurs de développer leurs propres projets. Dès le début des années 2000, j'ai donc travaillé et développé des travaux personnels, que je peaufinais le soir, le week-end ou pendant les vacances.
C'est ainsi que le VIA (Valorisation de l'innovation dans l'ameublement) vous a repéré ?
Philippe Nigro : Oui. J'ai bénéficié à cinq reprises des aides à projet accordées par le VIA. C'est ce qui m'a permis de créer les divans "Intersection" et de donner naissance aux canapés "Confluences", édités par Ligne Roset. Ma rencontre avec Michel Roset a d'ailleurs été déterminante dans mon parcours. Il m'a donné ma chance et m'a permis d'avoir de la visibilité. Ce qui, par la suite, a donné envie à d'autres de venir vers moi.
Vous dessinez aussi bien du mobilier que des luminaires et vous faites de la scénographie. Toucher à tout, est-ce la clé pour rester indépendant aujourd'hui ?
Philippe Nigro : En Italie, on apprend à toucher à tout, on ne se cloisonne pas. Les disciplines comme le design, l'architecture, le graphisme ou la sculpture se rencontrent de façon plus naturelle qu'en France. Pour moi, cet apprentissage du "tout aire" est une richesse. Il offre une ouverture d'esprit et permet de multiplier les expériences. C'est une façon de résister et de se singulariser dans le contexte actuel.
Etes-vous nombreux au sein de votre agence ?
Philippe Nigro : Je travaille seul. Je n'ai même pas de stagiaire. Et quand je collabore avec de grandes maisons, je bénéficie de leur appui technique. L'expérience des grandes structures, je l'ai connue chez Michele De Lucchi, où nous étions une quarantaine de personnes. Aujourd'hui, je fonctionne autrement. Derrière mon site internet, il n'y a que moi. C'est un choix : celui de vouloir être en direct avec mes interlocuteurs pour chaque projet en cours.
Vos canapés "Confluence" font partie de la collection permanente des Arts décoratifs. Vos "Twin-Chairs" sont au Centre Pompidou... Ça vous fait quoi d'être ainsi exposé dans des musées ?
Philippe Nigro : Pour moi, les musées jouent un rôle d'archives géantes des époques. Le fait de voir le design entrer dans des musées permet d'identifier cette discipline comme un composant de la culture générale contemporaine. Mettre du design dans un musée, ce n'est pas déplacé. En revanche, je suis dérangé lorsque certains objets de designers se vendent aux enchères à des prix faramineux, alors qu'ils n'ont été dessinés, à leur époque, que pour répondre à une urgence, un besoin, une fonction. On l'a vu, par exemple, en mai dernier, avec la vente du bureau "Présidence" de Jean Prouvé pour près d'un million d'euros.
Vous vivez entre Paris et Milan. Pourquoi ce choix ?
Philippe Nigro : Lorsque j'ai travaillé avec Michele De Lucchi, je me suis installé à Milan naturellement, qui est alors devenue ma ville d'adoption. Mais j'ai toujours gardé un pied-à-terre parisien. C'est important de conserver ses marques en France.
Quelle est votre actualité pour cet automne ?
Philippe Nigro : À la demande de Loïc Berthelot, qui est plombier, j'ai imaginé une salle de bains qui peut se décliner en différentes tailles : du XS au XL. Ce concept modulaire, baptisé "Corniche", s'adapte à beaucoup d'espaces, de surfaces et de budgets. Cette salle de bains s'articule autour d'un système suspendu grâce à une corniche en bois - d'où son nom - sur laquelle on accroche armoire, miroir, porte-serviettes, luminaire, tout en pouvant modifier leur position. J'ai également des projets de mobilier pour Ligne Roset. Je viens de terminer une collection d'objets liés au bureau pour Moleskine by Driade. Et je vais sans doute poursuivre ma collaboration avec Hermès en complétant la collection des "Nécessaires".
Si vous deviez ne citer qu'un objet de designer, ce serait lequel ?
Philippe Nigro : Le premier qui me vient à l'esprit est la lampe "Tolomeo" dessinée par Michele De Lucchi, mais je suis également sensible à la lampe "Parentesi" imaginée par Achille Castiglioni, qui permet des ajustements infinis du faisceau de lumière. Pour connaître le travail du designer, allez sur philippenigro.com.
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